lundi 25 février 2008

Réflexion sur les différents deuils, ou pourquoi comparer?

Dernièrement, quelqu’un m’a aussi dit ceci: « Moi j’ai perdu mon père… je sais pas trop comment dire ça, mais bon… moi je n’en aurai pas d’autre père, alors que vous, vous pourrez avoir d’autres des enfants. » Je tiens ici à préciser que cette remarque a été faite de façon très délicate et que celui qui l’a fait espérait vraisemblablement me lancer un message d’espoir. Enfin, c’est comme ça que je l’ai reçu, même si c’est un peu maladroit parce que nous le savons que nous aurons d’autres enfants, mais cela n’enlèvera jamais notre peine d’avoir perdu notre Lili-Jeanne. Comme je le dis souvent, même si j’en avais 8 autres enfants, le vide de son absence se fera toujours sentir… cruellement! Mais bon, je sais que cette personne voulait bien faire et j’ai été très touchée de ma brève discussion avec lui. Et surtout, je comprends sa douleur à lui dans ce qu’il m’a dit. Il avait mal parce qu’il a perdu son père, et il ne peut y avoir rien de pire que notre propre douleur. Pour lui, il n’y a rien eu de pire que de perdre son père dans sa vie, il vit cette douleur actuellement et intensément, alors que je vis celle d’avoir perdu ma fille, de la même façon.

Mais quand même, pourquoi vouloir comparer, quantifier, grader la douleur lors de la perte d’un être cher? Pourquoi cela soulagerait-il de penser que les autres souffrent plus ou moins pour « X » raison? Parce que…

Ce qui est plutôt ironique, c’est que lorsque Éric, mon chum avec qui j’habitais depuis 6 mois, est décédé en 2003, sa mère m’avait tenu un discours semblable : « Toi, un chum, tu vas en avoir un autre. Moi, des enfants, je n’en aurai plus. » J’avais vraiment reçu cette remarque comme une gifle. Comme si ma peine n’était pas valable, comme si elle devait être moins lourde que la sienne automatiquement parce que je pourrais un jour avoir un autre amoureux. Je sais qu’elle souffrait énormément et justement, mais pourquoi diminuer ma peine pour amplifier la sienne?

Et puis c’est quoi ça au faite? Une personne devient remplaçable si c’est possible « d’en avoir un autre »? Un autre enfant, un autre chum… un autre ami aussi? Mais oui, après tout, pourquoi pleurer un ami disparu si vous en avez des dizaines d’autres? Et perdre un enfant, ça fait tu plus mal à 50 ans quand tu peux plus en faire d’autres qu’à 35 parce que tu peux en avoir d’autres? C’est quoi cette logique de merde là? Un être humain, ça ne se remplace pas. Et surtout, la douleur de la perte, elle reste toute une vie.

La douleur provoquée par la perte ne se mesure pas par le lien qui nous uni à cette personne; enfant, conjoint, parent ou ami. On dit souvent, bien sûr, qu’il n’est pas dans l’ordre naturel des choses de perdre son enfant et je suis d’accord, mais la douleur de la perte d’un parent n’en est pas moins difficile, même si c’est justement l’ordre des choses… La douleur provoquée par la perte ne se mesure pas par le temps que l’on a connu ou côtoyé cette personne. La douleur provoquée par la perte est proportionnelle à l’amour que l’on a pour la personne disparue. Cela et uniquement cela.

J’ai encore mal quand je repense à ces gens que j’ai perdus dans ma vie; Patrick, Isabelle, Éric, ma fille. À différents niveaux, oui, parce que je les aimais à différents niveaux.

Ce que j’essayais d’expliquer à Monsieur Sans cœur, et qu’heureusement je n’ai pas pu terminer car de toute façon, j’aurais perdu mon temps, c’est que lorsqu’on souffre, il n’y en a pas de situation pire que celle dans laquelle on est. Ça ne sert à rien de vouloir la diminuer, et c’est même plutôt choquant! Ça ne sert absolument à rien de nous dire que ça aurait été pire si elle avait eu 1 mois, 3 ans, si elle avait eu 20 ans, et surtout pas le fameux si on l’avait connu (ça c’est une autre affaire… à suivre!)! Pour mieux vous faire comprendre, je vais vous dire en quelque sorte ce que j’aurais continuer de lui dire si ça avait valu la peine : « Si ma fille avait vécu disons 3 jours, et serait décédée à la suite de ces 3 jours, maintenant, si j’imagine cette situation, je me dis que j’aurais eu la chance de voir ses yeux, de vivre quelques moments inoubliables supplémentaires avec elle. Si elle avait vécu quelques mois, j’aurais eu le grand bonheur d’entendre son rire… Mais ça, c’est ma vision actuelle des choses avec mon vécu présent. Parce que probablement que si c’était vraiment le cas, j’aurais voulu en avoir encore plus. Autre façon de voir : tu perds ton enfant à 3 ans et ton voisin vit le même malheur alors que son enfant a 5 ans. Ton voisin a-t-il plus de peine que toi parce qu’il l’a eu avec lui 2 ans de plus, ou pour employer ce terme que plusieurs utilisent tristement trop souvent, si ton voisin l’avait CONNU 2 ans de plus? En d’autres mots, quel est le meilleur moment pour perdre un enfant qu’on aime et qu’on chérit tant? » JAMAIS!

Dans le même ordre d’idée, je me suis aussi fait dire que rien n’arrive pour rien (je n’aime guère ces petits phrases toutes faites de psychologie à 5¢) et que nous n’allions qu’en devenir de meilleurs parents (!!!). Non mais elle est bonne celle-là! Parce que nous n’étions pas déjà de bons parents?! Et pis… si on se fies à ça, y’en a une coupe de parents qui auraient bien besoin d’en perdre de cette façon des enfants, question de s’améliorer au moins un peu! De meilleures parents… nos prochains enfants, nous allons les aimer de la même façon, pas plus, pas moins! Nous serons simplement beaucoup plus conscients que bien d’autres de la chance que nous avons de les avoir dans nos vies.

4 commentaires:

Nathalie (juliette) a dit…

Je n'arrive pas à croire que des gens puissent dire des choses pareils. Nous ne pouvons quantifier l'amour, le remplacer, ou le comparer. Je suis extrêmement peiné que la société ne sache plus consoler, comprendre et supporter un être! Moi j'ai été éduqué à écouté l'autre, à savoir aussi, que la souffrance d'autrui n'est pas nôtre et que nous ne pouvons jamais la comprendre totalement. Mais que nous pouvons supporter,les êtres qui souffrent. Les gens sont mal à l'aise face à la souffrance et ne savent que dire, mais la vérité c'est qu'il n'y a rien à dire...Souffrir c'est dure, pour tout le monde. Je remercie mes parents pour mon éducation, ils m'ont appris à respecter l'autre et à ne pas juger autrui. Votre souffrance doit être illimité, parce que c'est la vôtre et pas la notre. Je suis désolé que des êtres-humains est à vivre pareil souffrance et je crie à l'injustice de votre perte. Soyez heureux, un ange veille sur vous...Cet ange serait bien malheureux de vous voir malheureux. Soyez fort, mais pas trop...prenez le temps de faire votre deuil à votre rythme et ne croyez surtout pas qu'il y a une limite de temps.Bon courage

Anonyme a dit…

Dans ce temps là on dirait que je voudrais juste leur répondre : "Oui je vais en avoir d'autres enfants... mais une Zoé j'en aurai jamais plus une autre!!"

J'ai perdu mon père il y a 10 ans et bien que je pensais que c'était la pire épreuve de ma vie à l'époque. Après la mort de Zoé j'ai bien vue que pour moi la perte de ma fille était encore plus douloureux.

On ne peut pas savoir ce qui fait plus mal et ce qui devrait faire moins mal. Chacun vit sa perte à sa façon, mais une chose est certaine. Un être humain ça ne se remplace pas! Que ça soit un père, une mère, un conjoint ou un enfant... Le vide reste là, car on ne peut jamais remplacer cette personne... On peut avoir 10 autres enfants par la suite. Celle qui est partie ne reviendra jamais. Il restera toujours un trou dans notre coeur.

Marieve a dit…

Merci Nathalie de m'avoir lu et écrit!

Chrysalide: Merci de me témoigner ton vécu. Je ne savais pas que tu avais perdu ton père, et je trouve bien malheureux que tu sois en mesure de pouvoir dire ce qui a été le plus douloureux pour toi.

Je pense souvent à Zoé.

Marie-Eve xx

Penneloppe a dit…

Coucou Marie-Éve comme je viens souvent voir ton blog, je me suis donné un petit droit....celui de te tagué! C'est le prix de la célébrité hihihi! Viens sur mon site pour avoir plus de détails...

Penneloppe
http://penneloppe.blogspot.com/